CONCERT
dans
L'EGLISE DE SAINT VICTOR


Le dimanche 16 juillet 2017 à 20 heures le Comité des Fêtes de Saint Victor accueillera un concert de musique classique dans l'église romane de Saint Victor. Ce concert entre dans le cadre de la saison musicale proposée par le Conseil Départemental du Cantal, visant à valoriser les églises anciennes du département.

L'église de Saint Victor, au sommet d'un rocher dominant la vallée du Braulle, est en partie romane et était à l'origine la chapelle du château, aujourd'hui disparu. Elle est aujourd'hui une des seules églises du Cantal à être utilisée quotidiennement, grâce à la présence d'une petite communauté de moines bénédictins.

L'église de Saint Victor accueillera trois musiciens, flûte traversière, violoncelle, guitare :

  • Tatiana Walisiak, lautéate du Conservatoire de Musique de Wroclaw, Pologne, flûte traversière
  • Thomas Van de Velde, lauréat du Conservatoire de Musique de Gand, Belgique, violoncelle
  • Raphaël Mata, guitariste, lauréat de l'Ecole Normale de Musique de Paris

Ces trois jeunes musiciens exécuteront des œuvres de Bach, Schubert, Mozart, Gabriel Fauré.

Un vin d'honneur sera offert après le concert dans l'ancienne école.

Participation aux frais : adultes 10 euros, jeunes entre 12 et 16 ans : 5 euros, enfants moins de 12 ans : gratuit

Pour rejoindre Saint Victor, suivre la signalisation « site de Saint Victor ». L'accès à l'église se fait à pied (cinq minutes à pied), un parking est prévu en bas du rocher.


Pour tous renseignements ou réservations : tél 06 68 93 02 36 et saintvictorducantal@gmail.com

"Victor Vicisti"



Rappel du contexte : Jusqu’au milieu du XXème siècle, le rocher de Saint Victor, au centre géographique de la commune, était tout naturellement le cœur de la vie locale, dans une configuration assez unique : 90% des habitants vivaient dans des hameaux. Sur le rocher se trouvaient réunis l'église, le presbytère, la mairie et l'école. Rappelons que la commune comportait 500 habitants  à la fin du XIXème siècle. Tout cela fonctionnait très bien avec la civilisation de la marche à pied, grâce à un réseau de chemins permettant aux victoriens des accès sinon faciles en raison du relief, au moins les plus courts (aujourd’hui encore, on va plus vite à pied qu’en voiture de Saint Victor à Aleix). Les vieilles photos du début du XXème siècle montrent des chemins entretenus, par lesquels les enfants se rendaient à l’école tous les jours, les habitants à la mairie, et les paroissiens à l’église. L’arrivée de l’automobile changea profondément la donne, et Saint Victor a été victime de la motorisation. A partir du milieu du XXème siècle, le rocher-centre est considéré comme trop difficile d’accès, alors pourtant que la population a subi une baisse considérable. En 1940, l’école de Saint Victor ferme du fait de la guerre. Elle ne rouvrira pas. En 1954, un référendum communal décide du transfert de la mairie de Saint Victor au hameau d’Aleix, plus facile d’accès. La vie à Saint Victor s’en est ainsi allée, et le lieu est devenu désert : église fermée, presbytère fermé, mairie fermée, chute d’un rocher empêchant l’accès à l’ancienne salle d’école, pleine de détritus de toute sorte. Le Pèlerinage annuel était le seul signe de vie dans un paysage de plus en plus mangé par les bois.

En 2011, la commune vend l’ancien presbytère, l’ancienne mairie et l’ancienne école à une famille, qui réinvestit le lieu. Les volets commencent à s’ouvrir, les cheminées à fumer au-dessus des bois.

Et puis les choses s’accélèrent, car la vie appelle la vie.

Un mariage a été célébré dans l'église de Saint Victor en septembre dernier. Cela faisait 25 ans que le dernier l'avait été dans les mêmes lieux, non par manque de candidats, mais par une décision paroissiale maladroite : se marier à Saint Victor était assimilé à du « folklore ». On arrivait donc à cette situation absurde : les habitants qui avaient financé les travaux de rénovation de l’église dans les années 1980 n’avaient pas le droit de l’utiliser pour leurs cérémonies familiales. L'arrivée récente d'un nouveau curé a changé la donne, et rétablit le bon sens et le bon droit.
                           


Le Pèlerinage 2015 a eu lieu le 20 septembre. Pour l'occasion, la Vierge de procession a été descendue de la sacristie. La messe a été célébrée en plein air sur l'autel du rocher, comme à la grande époque du Pèlerinage.
                                   


Auparavant, un chantier amical avait réuni les membres du Comité des Fêtes de Saint Victor sur le rocher. Comme l’année 2015 marquait le 50ème anniversaire de la construction du chemin de croix par l’abbé Marcenat, il a été décidé de marquer le coup en nettoyant les stations et en réparant les marches qui s’effondraient. Au cours des ans, la mousse avait envahi une partie des stations.

                                  

Jour après jour, un changement s’est opéré sur le Rocher. Les horribles thuyas qui cachaient le clocher de l’église ont été abattus. Un jardin fleuri a remplacé un champ de caillasses. Des réseaux d'eau irriguent des petites parcelles, jusque-là abandonnées. "Athos", un bel âne gris, loge dans l’ancienne cave à charbon de l’école. Les volets des maisons sont ouverts. On croise même des êtres humains...

                                              

Et le plus incroyable : depuis le jour de la Toussaint, l'église est ouverte plusieurs fois par jour, et a retrouvé sa destination initiale de lieu de culte.
                                           


Car c'est là que la petite histoire de Saint Victor rejoint la grande histoire de la Haute Auvergne. Saint Géraud fonda en 894 l'Abbaye d'Aurillac. Il alla chercher quelques moines bénédictins dans le Rouergue, et ce fut le début d'un foyer de rayonnement spirituel et intellectuel, mais aussi économique, qui dura plus de six cent ans. En 1561, l'Abbaye d’Aurillac est dissoute, à sa place est installé un chapitre de chanoines. La tradition bénédictine s'était donc perdue dans le Cantal depuis le seizième siècle.

Déjà il y a quelques mois, l'Abbaye d'Aurillac reprit une certaine actualité. Des archéologues, fouillant à l'emplacement des bâtiments conventuels de l'ancienne Abbaye d'Aurillac, au pied de l'église abbatiale Saint Géraud, découvrent des restes importants: fondations et bases de bâtiments, dallages, chapiteaux et colonnes, sarcophages en bois. On se souvint alors que l'Abbaye d'Aurillac avait été l'avant-Abbaye de Cluny. Que le jeune Gerbert y avait étudié et devenu Archevêque puis Pape, était resté fidèle à ses maitres bénédictins d’Aurillac. Ces découvertes permettent de visualiser ce qu'était l'Abbaye, son fonctionnement, ses lieux de travail, de repos, d'inhumation. Tout à coup, prend une forme physique ce que les historiens savaient depuis longtemps, mais qui était inconnu du grand public. Sur les pavages de galets, on imagine les moines, les pèlerins du Moyen Âge venus prier sur la tombe de Saint Géraud.


C’est alors qu’arrive l'imprévisible, et à Saint Victor.

Quatre cent cinquante ans plus tard, des moines bénédictins reprennent le fil historique et spirituel de la fondation de Saint Géraud. Et ils ont choisi le rocher de Saint Victor pour installer un ermitage, y assurer une présence monastique tout en aménageant le lieu pour y faire vivre leur petite communauté.

Pourquoi à Saint Victor? La réponse est dans le lieu lui-même. Qu'on se souvienne des descriptions de Saint Victor au cours des âges, déjà évoquées dans ce blog: lieu mystique, lieu mythique, au bout du monde, rocher solitaire, etc. Jusqu’à la plus récente évocation en 2014, dans le guide du routard :"Saint Victor, sanctuaire champêtre".


Comment s'étonner qu'un tel lieu n'attire pas des ermites?

En mars 2015, deux moines bénédictins se sont installés à Saint Victor, dans la maison située en contrebas de l'église. Ils ont depuis été rejoints par un troisième moine. Dans les premiers mois de leur fondation, ils célébraient leurs offices dans leur maison, et l'été utilisaient l'autel de pierre sous le rocher. Ils observent la règle bénédictine, la liturgie est traditionnelle, avec un grégorien chanté dans sa forme médiévale.
                                               
                                                            


Grâce à la vision intelligente de l'évêque de Saint Flour, les moines utilisent désormais l'église de Saint Victor pour leurs 7 offices quotidiens. Cette petite église au chœur roman, à la pierre brute, reprend donc sa vocation de lieu de prière et de célébration. C'est un événement dans un lieu qui ne servait qu'une fois par an, et encore.
                  


Bien sûr, certains trouvent à y redire. Déjà du temps de Saint Géraud, des mécontents critiquaient la création de l'Abbaye. Aujourd'hui, ce sont plutôt ceux qui n'ont pas compris combien cette installation représentait à la fois une chance et un espoir. Une chance dans la mesure où dans un village où la population ne fait que baisser, l'implantation de nouveaux habitants, quels qu’ils soient, renverse les opinions toutes faites : « tout fout le camp », « ce pays n’attire personne », etc. Espoir, parce qu'il suffit de voyager en France ou en Europe pour voir qu'une présence monastique est toujours bénéfique à un territoire. Il est de bon ton dans le Cantal de se plaindre d'être au bout du monde, enclavé, loin de tout. Mais quand justement c'est parce qu'on est au bout du monde que des choses se passent, cela perturbe le langage convenu, finalement assez confortable. Une des plus belles entreprises du Cantal en avait fait les frais il y a quelques années. Au départ, un homme compétent installe en 1992 un laboratoire dans une grange du XVIIIème siècle dans un hameau perdu du Cantal. Ne comprenant rien à la vie d'une entreprise, se demandant pourquoi cet homme installe un laboratoire dans un endroit aussi perdu et inaccessible, des élus lui mettent des bâtons dans les roues. L'homme est suspecté de malhonnêteté, lâché par toute l'intelligentsia politico-économique. Aujourd'hui, son entreprise high-tech est une des plus emblématiques du Cantal, et chacun y va de son coup d'encensoir, y compris parmi ceux qui vingt ans plus tôt ont tenté de freiner son essor. Il y a d'autres exemples, qui ne finissent pas toujours aussi bien. C'est le lot des petits territoires où chacun a sa propre idée sur ce qu'il devrait être, sans penser à voir les réalités qui crèvent les yeux. Comme le disait un syndicaliste agricole cantalou :"l'enclavement est dans les têtes" (2)

La petite église de Saint Victor a retrouvé sa vocation spirituelle, celle d'un sanctuaire ou des hommes prient au-dessus des bois et des passions de village qui transposent celles du monde, comme une terre en réduction.

site internet des moines de Saint Victor:
http://skitapatrum.blogspot.fr/


(1) Victor vicisti : selon les auteurs de la vie de Saint Victor, une voie céleste s’éleva lors du martyr du saint « Victor, tu as vaincu ! »
(2) Michel Teyssedou, ancien Président du Centre National des Jeunes Agriculteurs